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Ewen Legoff |
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Informations du 2024-11-21 03:14 |
Historique du commandant
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Troisième enfant de la famille, Ewen Legoff est né le 04 mars 1896 à Groix dans le petit hameau de Kerlivio. Son père Yann Legoff est alors patron du dundee Fraternité et sa mère Selene , outre les travaux des champs est impliquée dans la gestion de la coopérative de pécheurs dont fait partie la Fraternité. Sur un mode atypique de fonctionnement pour l'époque et peut-être plus encore de nos jours, la coopérative partage le gain de la pèche d’une flottille de 10 thoniers, répartissant en parts égales entre les équipages les produits de la pèche. C’est l’époque d’or pour l’île de Groix , premier port thonier français et plus de cent thoniers sont alors amarrés à Port Tudy et Port Lay, les deux seuls abri de l’île.
Ewen dès l’âge de 15 ans embarquera d’abord comme mousse, ensuite novice, puis matelot sur le thonier de son père. Lorsque la guerre éclate en 1914, Ewen ne restera que quelques mois à Groix. Promu tout jeune second à bord de la Fraternité, les équipages ayant pour beaucoup déjà été mobilisé , il sera à son tour mobilisé comme toute la classe 1916 à l’âge de 18 ans le 15 décembre 1914.
Apres quelques semaines de classes Ewen Legoff est affecté comme matelot à bord du cuirassé le Bouvet alors en opération en Méditerranée.
Lorsqu'il arrive à bord le 08 mars 1915, jour de ses 19 ans, Ewen est loin de se douter qu’au même instant Le torpilleur turc Nosret procède à un mouillage de mines dans le Détroit des Dardanelles qui auraient pu définitivement celer son destin…
Le Bouvet
Dix jours plus tard, le Bouvet est engagé dans la bataille aux cotés des cuirassés Gaulois , Charlemagne et Suffren et de la flotte anglaise lors d’une opération de recherche et de destruction des batteries turques. Le Bouvet après avoir encaissé huit impacts de l’artillerie turc bat en retraite. Quelques instants plus tard, il heurte sur tribord une mine dérivante et coule en moins d’une minute entraînant dans la mort la plupart des 700 hommes qui composaient son équipage, seul 75 en réchappèrent, Ewen fut l’entre eux.
Ayant frôlé la mort de peu, il est repêché par une vedette anglaise. Fortement commotionné, Ewen est d’abord évacué sur le navire hôpital Canada. Rapidement remis il sera affecté à bord du cuirassé la France, lui aussi en opérations en Méditerranée et en Adriatique. Ewen est alors promu au grade de quartier-maitre. Il y passera toute la guerre et participera entre autre au barrage d’Otrante pour bloquer les quatre Dreadnought austro-hongrois dans les ports de l’Adriatique et tenter, avec un succès tout relatif d’empêcher les submersibles austro-hongrois et allemands de pénétrer en méditerranée.
Le Cuirassé France en 1914
C’est avec un immense soulagement qu’Ewen, alors au grade de premier maître, accueille le 11 novembre 1918 la fin d’une guerre qui avait jeté des peuples entiers dans la bataille et dont il avait le sentiment qu’elle n’était pas la sienne. Il attend avec impatience son ordre de démobilisation se réjouissant de retrouver son île, ses parents et ses amis...
C’est avec d’autant plus de stupeur qu’Ewen et ses camarades apprennent des officiers supérieurs quelques semaines plus tard l’ordre de Clemenceau de faire route sur la Mer noire pour intervenir aux cotés des armées blanches en Russie afin de tenter d’écraser le pouvoir bolchévique.
Ewen a plus que de la sympathie pour la jeune révolution et le 19 avril 1919 il sera de ceux qui se mutineront à la suite du torpilleur Protet et qui hisseront le drapeau rouge au coté du drapeau tricolore en haut du mat du cuirassé France en chantant l’Internationale. Le Jean Bart suivra le mouvement et cette première vague de mutineries ne se calmera qu’avec la promesse d’absence de sanction et la décision de retour à Toulon.
L'une des rares photos connus des mutins de la Mer de la Mer noire prise par un camarade d'Ewen.
Las, à l’arrivée c’est le conseil de guerre qui attends les mutins et Ewen écopera de dix ans de travaux forcés au bagne de Cayenne. Ce n’est finalement qu’en janvier 1922 à l’occasion d’une amnistie générale qu’Ewen retrouvera son île et ses thoniers.
Ironie du destin, Ewen recroisera la route du cuirassé France lorsque du retour d’une campagne aux thons dans le golfe de Gascogne. Au matin du 28 aout 1922, il aura la surprise de découvrir les hauts du bâtiment échoué et coulé en quelques heures sur le haut-fond de la Teignouse entre Belle-ile et Groix. Naufrage qui coûtera la vie a trois marins du cuirassé.
Son père sentant la fin des thoniers à voile devenir proche poussera Ewen a passer son brevet de capitaine au long cours et celui-ci sortira breveté de l’école de Paimpol en juin 1925 a l’âge de 31 ans. Il naviguera au long cours durant 5 années principalement sur l’extrême orient, d’abord comme lieutenant puis la dernière année comme second capitaine.
En 1930, Ewen sera profondément marqué par la disparition tragique de son père dont le thonier fut perdu en mer dans la nuit du 19 au 20 septembre lors d’une effroyable tempête qui meurtrie la Bretagne envoyant par le fond des dizaines de bateaux et faisant 207 disparus sur ces côtes. Ce soir là à sur l’île de Groix , 6 thoniers ne rentrèrent pas dont la Fraternité, faisant 28 victimes qui laissaient derrière eux 22 veuves et 26 orphelins…
Il reprit alors pour quelques années cette activité et fut à la tête de lune des dernière coopérative de thoniers, mais l’activité était déjà déclinante. Peu après le décès de sa mère en février 1936, Ewen célibataire et sans enfant quitta Groix pour n’y revenir que deux ans plus tard avec une compagne espagnole, basque plus précisément, Santxa Exteberri qu’il épouse à Bordeaux en octobre 1937. Si à l'époque, beaucoup de personnes bien-pensantes à Groix s’étonnèrent de la venue de cette étrangère, peu connaissaient, et heureusement… Le parcours d’Ewen durant cette période et la façon dont lui et Santxa s’étaient rencontrés.
Antifasciste convaincu, Ewen s’était engagé en 1936 dans les brigades internationales qui se constituaient alors pour défendre la jeune république espagnole et avait trouvé matière à utiliser ces compétences auprès de la Marine de guerre auxiliaire d’Euzkadi (pays basque) à Bilbao, corps de marine autonome républicain.
Il embarquera en Décembre comme lieutenant sur le chalutier armé Iparreko-Izzara et participera à l’escorte des navires marchands s’opposant a plusieurs reprises aux destroyers franquiste Galerna et Cervera. Mais l'aventure sera de courte durée, la chute de Bilbao obligera le chalutier accompagné de deux autres bous , le Gipuzkoa et le Bizkaya à se replier sur Santona le 15 juin, le 18 Bilbao sera occupé par les franquistes.
L'Ippariko-Izarra en rade de Bilbao. (Les navires de la Marine de guerre auxiliaire d'Euzkadi arboraient le drapeau républicain à la poupe et le drapeau basque à la proue)